La fabrique consulaire en Europe et dans le monde méditerranéen (XVIIIe – XIXe siècle)
Les études consulaires, renouvelées dans les années 1990 par les grandes enquêtes prosopographiques menées par Jesús Pradells Nadal en Espagne et Anne Mézin en France1, sont aujourd’hui l’objet d’un réel engouement dans le paysage académique européen. Les ouvrages collectifs coordonnés ces dernières années par Jörg Ulbert, Marcella Aglietti, Manuel Herrero Sánchez et Francisco Zamora Rodríguez en témoignent et attestent de la vitalité d’un champ de recherche qui a su renouveler ses problématiques2. Loin d’épuiser les questionnements relatifs à la fonction consulaire, ces ouvrages ont été autant d’incitations à approfondir l’analyse. Ils invitent à explorer, au-delà de la description des différents réseaux consulaires, le rôle que jouaient les consuls dans la circulation de l’information, dans la facilitation du commerce international ou encore dans l’affirmation de l’Etat moderne, souverain et bureaucratique3. C’est dans cette dernière perspective que s’inscrit le projet de recherches « La fabrique consulaire », qui entend étudier les processus d’affirmation de la souveraineté étatique, d’encadrement des ressortissants « nationaux » expatriés et de rationalisation de l’administration d’Etat, à travers le prisme d’une institution consulaire qui, à la charnière des époques moderne et contemporaine, s’est trouvée placée à la croisée de ces dynamiques.
L’approche privilégiée ici, même si elle entend débattre explicitement les postulats de la sociologie wébérienne relatifs à la rationalisation et à la formation de l’Etat bureaucratique, sera résolument empirique et comparative. L’étude des transformations constatées dans l’organisation et l’administration des réseaux consulaires, à l’échelle des espaces européens et méditerranéens des XVIIIe et XIXe siècle, doit en effet mener à une compréhension plus fine de processus qui échappent aux grilles de lectures traditionnelles : aussi bien celles qui se réfèrent à un cheminement linéaire et téléologique vers la modernité que celles qui, sous prétexte d’un souci de contextualisation toujours plus poussé des phénomènes étudiés, survalorisent l’agency réelle des acteurs individuels au risque de perdre de vue l’ampleur et la portée des changements à l’œuvre.