Milena CHARBIT
CONTRAT DOCTORAL DE RECHERCHE PAR LE PROJET
Casa de Velázquez – Université Cergy-Pontoise
Dir. : Gabriele Pierluisi / Co-dir. : François Pernot
Encadrante professionnelle : Raphaëlle Hondelate
Page web : milenacharbit.fr / Contact
RÉSUMÉ DU PROJET DE RECHERCHE PAR LE PROJET
TITRE DU PROJET DE RECHERCHE : Une architecture de la frontière. Une recherche par le projet de l’architecture de la frontière Franco-Espagnole
Il existe un paradoxe : la nature de la discipline de l’architecture est ontologiquement génératrice de frontières. Cependant, l’architecture semble oubliée à l’approche des frontières dites internationales. En effet, on peut se demander si l’architecture a oublié les frontières ? En droit, par exemple, on distingue une dualité dans la nature même de la frontière : les frontières-lignes ou les frontières-zones, mais ces questions typologiques ne semblent pas atteindre le champ de l’architecture en tant que discipline depuis laquelle on pourrait regarder mais aussi faire les frontières. Je souhaiterais développer et explorer ces questions dans un doctorat par le projet, en prenant comme terrain de recherche et d’expérimentation la frontière entre la France et l’Espagne.
La frontière s’étend sur 623 kilomètres et principalement le long des Pyrénées, on pourrait penser que la décision de ce tracé politique pourrait être simplement induit par la topographie rocheuse qui sépare naturellement, ou par sa continuité fluviale, opérant comme des douves et séparant également. Une ligne de cimes et d’eau pour une séparation naturelle entre deux pays. Mais on peut alors se demander si seule la géographie fait l’histoire ?
Ces 623 kilomètres de frontière ne sont pas- comme peut nous le faire penser une représentation cartographiée de la limite – une ligne immatérielle de démarcation entre les deux pays. En effet, cette frontière est vivante, elle vibre, elle est discontinue, elle est tantôt ligne, tantôt île entre-deux (île des Faisans), tantôt ville partagée (Andorre et Llivia), tantôt chemin des bornes, tantôt fleuve habité de traversées migratoires (Bidassoa), ou encore pyramide (Perthus). Cette frontière a une épaisseur et possède une architecture et un paysage dont je tenterais de lire et travailler les représentations, car montrer la frontière en la faisant exister comme architecture c’est déjà la rendre visible.
[Description détaillée du projet en bas de page]
PARCOURS ACADEMIQUE
2016-2018 : EHESS, Paris - Master II en Art et langage, sous la direction de Patricia Falguières et d’ Elisabeth Lebovici
2014-2015 : ENSAPLV (École Nationale Supérieure de Paris La Villette) - HMONP (Habilitation à la Maîtrise d’œuvre en Nom Propre)
2012-2013 : ENSAPLV - Diplôme d’architecte DE obtenu avec les félicitations du Jury Studio : Jim Njoo et Andres Atela
2011-2012 : Waseda University, Tokyo - Master I d’Architecture et Urbanisme avec Nobuaki Furuya Sensei
2008-2011 : ENSAPLV - Licence d’ Architecture, avec les félicitations du jury
RECHERCHE - EXPOSITIONS - RESIDENCES
2024 : Eileen Gray-Etoile de mer-Le Corbusier. Exposition La Balnéaire avec l’agence d’architecture Concorde.
2022-2023 : Résidence à la Casa de Velazquez, Mardrid, Recherche et exposition autour de l’ambiguïté d’une île-Frontière : l’île des Faisans
2020-2022 : Pavillon de l’Arsenal , Lauréate de la bourse FAIRE avec 127 af et Olivier Charlec pour l’élaboration d’un guide et d’une exposition autour des anomalies réccurentes de propreté à Paris
2018-2019 : MUCEM, participation scientifique et artistique à l’exposition Le Temps d’une île sous la direction de Jean-Marc Besse et Guillaume Montsaingeon - inauguration juillet 2019
2019 : BAP, participation à la première Biennale d’Île de France - dirigée par Djamel Klouche dans l’équipe de Concorde, architectes. inauguration : mai 2019 à Versailles
07.2016-10.2016 : E-1027, Cap Moderne, Assistante du Commissaire. Exposition, Tim Benton et Catalogue «E-1027, Restauration d’une maison en bord de mer d’Eileen Gray et Jean Badovici».
09.2015-11.2016 : Pavillon de l’Arsenal, Commissaire Scientifique de l’exposition «Îles de la Seine» et du livre qui l’accompagne
ENSEIGNEMENT
2021- 2022 : ENSAV - Enseignante de projet en L2 (P21)
2018 – présent : ENSAV - Enseignante de projet en Master 1 (P45) avec Réza Azard et Jérôme Boutterin
2017- 2019 : ENSAPVS - Chargée de TD en cours de cartographie et Histoire de l’architecture en L1 avec Sandra Parvu et Marilena Kourniati
2017- 2019 : ENSAPLV - Enseignante de projet en Master 1 avec Jim Njoo et Nicolas Février
SCENOGRAPHIE , ARCHITECTURE ET URBANISME
2019 - présent : First Avenue - Responsable de programme sur des projets de logements collectifs en île de France (168 logements à Bezons, 50 logements à Vanves, résidence tourisme 101 chambres à Boulogne)
2021 : Marseille, France - Rénovation d’un appartement de 80 m2 de l’esquisse à l’exécution.
2018 : Cannes, France - Rénovation d’un appartement de 30m2 de l’esquisse à l’exécution.
2016-2018 : Folegandros, Grèce - Réalisation d’une maison avec Martin Gillot. De l’esquisse à l’exécution. Chantier terminé en juin 2018. Projet paysager en cours.
01.2017- 11.2017 :Earnest, associée - AMO stratégie urbaine et territoriale
06.2017-11.2017 : Musée des insectes et Hospice Saint Charles, Carrière-sous-Poissy - Scénographie de l’exposition Îles de la Seine en voyage dans ces deux musées
02.2017-09.2017 : Encore Heureux et DPA architecture, Emerige, Compagnie de Phalsbourg - Assistance à maîtrise d’ouvrage sur le concours lauréat de Réinventer la Métropole, «Babcock, la fabrique des cultures».
01.2017-04.2017 :Peaks architectes, First avenue - Assistance à maîtrise d’ouvrage sur le concours de Réinventer la Métropole «L’imprimerie, Cap Saint-Ouen»
09.2016- 06.2017 :np2f architectes, Jacques Rougerie, Nacarat - Assistance à maîtrise d’ouvrage sur le projet de réinventer la Seine, «l’île Mazas»- Finaliste 2ème position
09.2016 :Cité de la mode et du design - Scénographie pour l’exposition Studio Blumenfeld
06.2016-09.2016 :E-1027, Cap Moderne - Scénographie de l’ exposition «E-1027, Restauration d’une maison en bord de mer d’Eileen Gray et Jean Badovici».
09.2012-04.2016 :La Manutention, Galerie d’art, Paris XXème - Scénographie de plus d’une quinzaine d’expositions.
09.2015-04.2016 :uapS, Chef de projet «ZAC des Linandes», Cergy Pontoise / AVP, espace public, fiches de lots ...
2015 :Europan 13 Finaliste avec Galaad Van Daele du concours européen pour les jeunes architectes, projet présenté dans la publication E 13.
10.2014-07.2015 :AAAB studio, Architecte (HMONP) - Suivi de chantier d’une château à Cheng Du, Chine / Suivi de chantier d’un Hôtel /Thalasso à Arzon, Bretagne
01.2014-07.2014 :np2f architectes, Stagiaire - Scénographie et aide à la recherche sur l’exposition «Sports, Portrait d’une Métropole» au Pavillon de l’Arsenal, Paris
PUBLICATIONS
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RECHERCHES EN COURS
Une architecture de la frontière. Une recherche par le projet de l’architecture de la frontière Franco-Espagnole
Les frontières1 internationales sont considérées comme géographiques, culturelles, linguistiques, idéologiques, politiques, économiques, topographiques …
Mais on peut se demander si l’architecture2 a oublié les frontières ou si les frontières sont oubliées de l’architecture ? En droit, on distingue une dualité dans la nature même de la frontière : les frontières-lignes ou les frontières-zones3, mais ces questions typologiques ne semblent pas atteindre le champ de l’architecture, alors que l’architecture est probablement la plus ancienne discipline à avoir donnée un sens au terme de frontière, le mur comme objet-frontière absolu, le seuil entre intérieur et extérieur. L’architecture est donc ontologiquement une discipline génératrice de frontières. Je souhaiterais développer et explorer ces questions dans un doctorat par le projet, en prenant comme terrain de recherche et d’expérimentation la frontière entre la France et l’Espagne. Au XIXème siècle, alors que les géographes réfléchissent à la frontière, deux courants de pensée opposés autour de cette notion géopolitique émergent.
Une opposition occidentale France/Allemagne, où les penseurs français définissent la frontière comme une « construction politique pouvant ou non s'appuyer sur un élément naturel »4 et « la conception allemande se fonde quant à elle, sur le lien entre peuple et espace »5 . Cette seconde conception ne fige pas l’objet-frontière, elle est considérée par ces géographes « vivante » et « mouvante » dans le temps. Or, une frontière – même si son marquage peut sembler issu d’une morphologie géographique préexistante à la décision politique d’y établir à cet endroit une rupture, n’est en rien naturelle. Elle relève de la construction politique, souvent d’une négociation pacifique ou non – dont la forme et la matérialité peuvent être variées : autant une chaine de montagnes qu’un mur. Ainsi, il peut être lu que la frontière a bien une « architecture », une représentation dans l’espace, qu’elle soit naturelle ou construite, son choix est tout d’abord politique et en fait ainsi un objet choisi, ou de la construction d’une image ou d’un paysage-frontière.
Si cet objet est naturel : fleuve, chaine de montagnes, ligne de partage des eaux, ligne de crête, il s’agit d’un détournement de la topographie dont la morphologie induit une rupture spatiale. Si cet objet est artificiel : mur, muraille, fil , barbelés, plots ou autre, il s’agit d’une création, d’un ajout de matière. Elle pourra être définie par une ligne précise ou par une zone , un « no man’s land » par exemple. A partir de quel moment celle-ci est-elle considéré comme étant architecture ?
La frontière comme paysage
J’entends le terme paysage au sens de « l’action de transformer symboliquement, autrement que physiquement, l’espace anthropique. »6
En effet, les frontières sont des tracés qui ont tout d’abord une importance cartographique. Ces délimitations, une fois négociées, puis décidées, sont ensuite dessinées, et matérialisées afin de représenter de manière physique, une rupture.
La frontière constitue une limite à franchir, mais le long de laquelle, il est possible de marcher, de se déplacer. D’ailleurs, dans la préface de Walscape de Francesco Caeri, Gilles Tiberghien, spécialiste du Land Art, énonce le fait que « les « marches » étaient traditionnellement le nom donné aux régions situées aux confins d’un territoire, au bord de ses frontières. De même, la marche désigne une limite en mouvement, qui n’est autre chose en fait que ce que l’on appelle une frontière. Celle-ci va toujours de pair avec les franges, les espaces intermédiaires, qu’on ne peut vraiment voir qu’en les parcourant. » Ainsi, le tracé de la frontière, peut guider la marche ou vice-versa.
Car il y a la ligne-frontière mais il y a aussi le « part » et « l’autre » les zones limitrophes, qui longent et qui marchent. Plus loin, dans Walkcape, Caeri explique que la première forme de paysage, disons, de construction, ou d’intention anthropique de faire « paysage » ont été le déplacement à 90°, des menhirs, pierres dansantes dirigées vers le ciel. Ces pierres étaient disposés le long des routes, mais « latéralement au parcours. Dans le cas de plusieurs menhirs en file, plutôt que de définir une direction, ceux-ci séparaient deux espaces ou mieux : ils construisaient architecturalement le bord d’un espace à parcourir et peut être à danser, un espace rythmé et géométriquement défini qui constitue la première architecture au sens de construction physique d’un espace symbolique complexe, un espace « où aller » et non pas un espace « où rester ». Or, aujourd’hui on retrouve l’architecture de même dispositifs afin de marquer dans le paysage la « limite ». Le chemin des bornes des Pyrénées, par exemple constitue un élément vertical en pierre qui sépare la France de l’Espagne.
Le découpage des pays tel qu’on se l’imagine aujourd’hui tremble encore, en effet « Depuis 1991, plus de 26 000 km de nouvelles frontières internationales ont été instituées, 24 000 autres ont fait l’objet d’accords de délimitation et de démarcation, et, si les programmes annoncés de murs, clôtures et barrières métalliques ou électroniques étaient menés à terme, ils s’étireraient sur plus de 18 000 km. Jamais il n’a été autant négocié, délimité, démarqué, caractérisé, équipé, surveillé, patrouillé » (Foucher 2007). Les frontières sont des lieux instables, des lignes et zones oubliées de l’architecture. Cependant certains territoires frontaliers vont nous permettre de nous poser la question de l’entre-deux architectural, ici, nous parlerons d’entre-plus. Quelles formes spatiales et politiques peuvent générer les frontières. Qu’est-ce qu’une frontière en terme d’espace ? Peut-on nicher dans l’épaisseur d’une frontière ?
La Frontière Franco – Espagnole
Le tracé de la frontière entre ces deux pays a été initié lors du traité des Pyrénées signé par le cardinal Mazarin et Luis de Haro en 1659 sur l’île des Faisans, un territoire qui se situe sur le fleuve de la Bidassoa, à cheval entre les deux pays. Cette île-frontière garde de cet événement historique le statut de condominium qui lui confère une gouvernance partagée.
La frontière s’étend sur 623 kilomètres et principalement le long des Pyrénées, on pourrait penser que la décision de ce tracé politique pourrait être simplement induit par la topographie rocheuse qui sépare naturellement, ou par sa continuité fluviale, opérant comme des douves et séparant également. Alors, est-ce la géographie qui fait l’histoire comme l’a supposé le géographe Fernand Braudel. Ces 623 kilomètres de frontière n’est pas une ligne immatérielle entre les deux pays. En effet, cette frontière est vivante, elle vibre, elle est discontinue, elle est tantôt ligne, tantôt île ( île des Faisans), tantôt ville (Andorre et Llivia), tantôt chemin des bornes 7, tantôt fleuve (Bidassoa), ou encore pyramide (Perthus). Cette frontière a une épaisseur et une architecture dont je tenterais de lire et travailler les représentations. D’ailleurs « Le traité des Pyrénées fixe bien la frontière méridionale au Pyrénées sur toute la longueur, même si, dans le détail, les discussions continuent jusqu’au XIXème siècle. L’idée de frontière naturelle doit beaucoup à Pierre de Marca et l’intégration du Roussillon dans le royaume se fait lentement. Si l’image d’un massif montagneux comme frontière entre deux pays paraît simple, elle doit aussi se construire dans le temps.
Les frontières sont des objets vivants. On peut d’ailleurs parler de frontière-mouvement.
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1 Si l’usage du terme « frontière » se généralise, notamment en termes d’échelle d’utilisation (on parle de plus en plus de frontières sociales ou culturelles, voire de frontières de quartiers), notre objet de recherche est constitué, sans ambiguïté, par les frontières internationales, comme le paragraphe qui suit va le confirmer)
[les] frontières ne soient plus localisables de façon univoque. […] Les frontières vacillent : cela ne veut pas dire qu’elles disparaissent. Moins que jamais le monde actuel est un monde « sans frontières ». Cela veut dire au contraire qu’elles se multiplient et se démultiplient dans leur localisation et dans leur fonction, qu’elles se distendent ou se dédoublent, devenant des zones, des régions, des pays frontières, dans lesquels on séjourne et on vit. C’est le rapport entre la « frontière » et le « territoire » qui s’inverse. Cela veut dire qu’elles font l’objet d’une revendication et d’une contestation, d’un renforcement acharné, de leur fonction sécuritaire notamment. Mais cela veut dire aussi – irréversiblement – que les frontières ont cessé de marquer les limites où s’arrête la politique parce que cesse la communauté […] (Balibar 1996a).
2 Michel Fourcher, L’obsession des frontières, Perrin, 2007, réed 2012
3 www.vie-publique.fr/parole-dexpert/271059-la-delimitation-des-frontieres-par-le-droit-international
4 Hélène Velasco-Graciet, « Des frontières et des géographes », Géoconfluences, octobre 2008.
https://geoconfluences.ens-lyon.fr/doc/typespace/frontier/FrontScient.htm
5 Op.cit
6 Francesco Caeri, Walkscapes, la marche comme pratique esthétique, Babel, 2013
7 Le traité précise que la borne n°1 se situe sur les bords de la Bidassoa entre la commune de Bera-Vero de Bidassoa en Espagne et la commune de Biriatou en France : « Est placée sur un rocher, nommé Chapitelaco-arria, à 300 mètres en aval du pont d’Enderlaza et sur la rive droite de la Bidassoa, à l’endroit où finit la pente du chaïnon qui prolonge le massif de montagnes qui sépare le bassin de cettee rivière de celui de la Nivelle. » La dernière croix du secteur, portant lee numéro 272 se situe au col d’Insolo : « Au pied du versant méridional de Sierralonga de Anie et sur la ligne de partage des eaux des Pyrénées se trouve le col d’Insolo, ou de Leescun où il y a une roche verticale près du chemin, sur laqueelle on a gravé une croix à 560 m du dernier signal »