Najah Albukai
GRAVURE - DESSIN - PEINTURE
Né en 1970 à Homs en Syrie, Najah Albukai étudie successivement aux Beaux-Arts de Damas puis aux Beaux-Arts de Rouen. Il retourne ensuite vivre en Syrie où il enseigne le dessin et se consacre à ses créations. Entre 2012 et 2014, il est incarcéré et torturé à plusieurs reprises dans les prisons des services de renseignement syriens pour avoir participé à des manifestations pacifiques contre le régime de Bachar al-Assad.
En 2015, il s’en échappe et rejoint le Liban. Là, il commence une série de dessins au stylo noir sur un carnet. Des dessins comme la mémoire gardée de ses détentions successives, qui représentent l'atmosphère carcérale dans les centres de détention du régime syrien et montrent la promiscuité dans la prison : silhouettes humaines portant des cadavres, scènes de torture, interrogatoires...
Après deux mois passés à Beyrouth, il arrive en France où il continue cette série de dessins sur tous les supports qu’il peut trouver – dos d’affiches, morceaux de papier… S’ils n’étaient, à l’origine, pas destinés à être exposés, Najah Albukai commence toutefois à les présenter lors de rencontres auxquelles il est invité à témoigner. Après la publication de plusieurs dessins dans Libération en 2018, il est invité par l'École européenne supérieure d'Art de Bretagne. De cette invitation découle la proposition d’une résidence en 2019, avec pour objectif la réalisation d’un ensemble de gravures qui ont été exposées en avril 2019 dans la galerie de l'École des Beaux-Arts de Lorient.
Il a depuis participé à plusieurs expositions, et s’emploie à poursuivre son entreprise de témoignage de l’enfer carcéral à travers ses dessins et ses gravures.
EN RÉSIDENCE
En résidence à la Casa de Velázquez, Najah Albukai poursuit son auscultation des corps souffrants et meurtris. Comment représenter – surtout, comment donner à voir – ces êtres soumis à l’insoutenable, punis, torturés et mus par la recherche et l’espoir d’une issue ?
À la frontière entre introspection et exploration, prenant pour point de départ sensible ce qu’il a lui-même vécu dans les geôles syriennes, Najah Albukai amorce en Espagne une recherche plus large autour des victimes de l’Histoire et de ses tourments. En se rapprochant d’associations, c’est ainsi les fantômes de la guerre civile qu’il vient convoquer autour des questions centrales de l’après-guerre, de la disparition et de la sépulture.
La notion de récupération historique et le drame des fosses communes, qui forcent les victimes dans l’anonymat, servent de lignes directrices aux gravures qu’il réalise cette année. Il entreprend ainsi une nouvelle étape dans son travail de restitution des horreurs de la guerre, en dirigeant son regard vers une autre temporalité et de l’autre côté de la Méditerranée.
Dans la lignée des désastres de Goya, des planches d’Otto Dix ou des peintures de Zoran Mušič, le projet de Najah Albukai place ainsi la mémoire au centre non seulement d’une réflexion conceptuelle mais aussi d’une lutte contre son propre effacement. Elle devient vivante – survivante – et, par le biais des œuvres qu’elle engendre, s’inscrit sur la plaque de cuivre autant qu’elle se grave de manière indélébile dans l’esprit de celui qui décide, finalement, de la regarder en face.
SYRIE - PRISONS D'ASSAD - GRAVURE - TOUS TÉMOINS