Emanuela CANGHIARI
Docteure en Anthropologie sociale et ethnologie
Parcours universitaire et expériences professionnelles
2018-2019 : Chercheure postdoctorante au musée du quai Branly-Jacques Chirac, dans le cadre de la thématique : « Circulation des objets et des images ». Titre du projet : « Objets profanes : création et circulation des faux archéologiques sur la côte nord du Pérou ».
2018 : Docteure en anthropologie sociale et ethnologie à l’École des Hautes Études en Sciences Sociales de Paris. Titre de la thèse : « La dialectique des restes : circulation, trafic et appropriation des vestiges archéologiques au Pérou », sous la direction de Jean-Loup Amselle.
Depuis 2016 : Enseignante au master d’Archéologie judiciaire et crimes contre le patrimoine culturel au Centro Studi criminilogici, sociologici e giuridici, Roma (Italie).
2008 : Master 2 en Anthropologie Sociale et Ethnologie l’École des Hautes Études en Sciences Sociales de Paris. Titre du mémoire: « Voyages d’outre-tombe: de la cordillère du Pérou au marché noir internationale ».
2006 : Licence en Anthropologie à l’Université de Bologne. Titre du mémoire : « L’awilito si è fatto cervo e il cervo mi ha portato alle rovine. La figura del huaquero nella sierra di Ancash, Perù ».
2004-2007 : Chargée de mission, Projet archéologique et anthropologique « Antonio Raimondi », Université de Bologne et musée des Cultures de Milan.
Bourses et prix
2018-2019 : Lauréate du prix de la Fondation pour les Sciences sociales (siège à Sciences Po, Paris) sur le thème « Crise de confiance ? ».
2008-2011 : Allocation de recherche de l’EHESS (Paris).
2004-2005 : Semestre d’étude Erasmus à l’Université de Valence (Espagne), faculté de Géographie et Histoire, cursus Histoire de l’art.
Recherche en cours
« La fin d’un voyage ? La marchandisation et la mise en vitrine des huacos péruviens en Espagne ».
Ce projet prolonge une recherche ethnographique de longue haleine sur les circuits multiples et non linéaires des céramiques précolombiennes (huacos) au Pérou, de leur « production » (la fouille) à leur « consommation » (l’achat). Par le biais d’une approche basée sur la vie sociale des objets et d’une ethnographie multi-située, j’ai reconstruit la trajectoire des pièces archéologiques situées aux marges, sinon en contrepoint, des circuits officiels. D’un point de vue institutionnel, fabriquer du patrimoine revient à soustraire les objets à tout usage commun et à les isoler, pour qu’ils soient vus différemment. L’ « essence quasi religieuse » (Rautenberg, 2003 : 155) du patrimoine s’exprime ainsi dans une série d’interdictions : de manipuler, de transformer, parfois même de voir. Ce sont justement les transgressions à ces normes et les pratiques définies comme profanes qui ont été au cœur de mon enquête : le pillage, la marchandisation et la falsification. J’ai également analysé les stratégies d’appropriation mises en place par une multiplicité d’acteurs : fouilleurs clandestins (huaqueros), intermédiaires, faussaires, guérisseurs, touristes, archéologues, petits collectionneurs, institutions muséales, etc.
Cette approche me permet d’interroger à présent les régimes de valeurs patrimoniaux au-delà de leurs critères normatifs ; elle engage, autrement dit, une réflexion sur la lutte des savoirs et des pouvoirs, sur l’autorité et les instances de légitimation. Par ailleurs, ce sont précisément ces paradigmes de la disparition et de la perte d’authenticité qui impliquent des mécanismes patrimoniaux de plus en plus puissants et efficaces. Or, la mise en patrimoine et ses dispositifs tendent à arrêter le parcours des objets en fixant leur statut dans une forme définitive et en leur assignant un espace précis dans une vitrine, où tout est mis en place pour qu’ils ne soient plus transformés (par diverses méthodes de conservation). De trésors à biens culturels, d’artefacts à curiosités, la manière dont ces objets sont appréhendés nous dévoile les liens entre la normalisation progressive des pratiques de collections, le rapport aux passé et l’évolution des régimes d’altérité.
En accordant une attention toute particulière aux dimensions historique et globale des enjeux qui y sont attachés, ce travail cherche à mettre au jour les discours politiques et identitaires qui participent de l’invention du patrimoine national péruvien. Ce dernier se constitue dans un mouvement de va-et-vient entre l’Amérique latine et l’Europe. Dans ce sens, l’Espagne représente une étape incontournable sur la route des huacos. Mes recherches se focaliseront sur la réception des pièces archéologiques originaires du Pérou par les collectionneurs, les maisons de vente aux enchères et les musées de Madrid. Avec ce travail, j’espère apporter un regard complémentaire et nouveau sur la question de l’appropriation et du traitement (scientifique ou pas) de l’art précolombien. C’est l’occasion de réaliser une lecture globale du changement des valeurs attribuées aux pièces d’art, de leur lieu d’origine à celui de leur exposition. Ce projet ouvre ainsi une réflexion plus large à l’heure des débats sur les restitutions des biens culturels et sur la préservation et la réparation de l’héritage.
Publications principales
- « L’archéologisation des imaginaires. La mise en patrimoine des vestiges au nord du Pérou entre injonction et appropriation » in BOYER Véronique et STOLL Emilie (éds.), « Correspondance entre territoires et identités : une construction patrimoniale ? », in Autrepart. Revue de sciences sociales au Sud, 2019 – à paraitre
- « Se réapproprier le passé : patrimonialisation des vestiges archéologiques et inclusion sociale en Lambayeque (Pérou) », en Lissell Quiroz-Pérez et María Julia de Vinatea Ríos (éds.), « Le Pérou : de l’intégration nationale à l’inclusion sociale », in Cahiers d’Amérique latine, n° 78, 2015/1, Éditions de l’IHEAL-Creda, pp. 113-129, 2015a
- « Un mendicante su una panca dorata. Distruzione e protezione del patrimonio in Perù » in, Archeomafie, revue de l’Osservatorio Internazionale Archeomafie, num. 7, 2015B
- « Hemorragia del Patrimonio y coagulación: en busca de la autenticidad perdida », in Salas H., Serra Puche M. C., González de la Fuente I. (ed.), Identidad y Patrimonio cultural en América Latina. La diversidad en el mundo globalizado, Instituto de Investigaciones Antropológicas, UNAM, Mexique, pp. 129- 149, 2013
- « “¿Huaqueros? Lamentablemente no tenemos”: legitimación y reivindicación en el saqueo de tumbas prehispánicas », in Venturoli Sofia, (ed.), Espacios, Tradiciones y cambios en la Provincia de Huari. Ecos desde la Escuela de etnografía del Proyecto “Antonio Raimondi”, Alma Mater Studiorum Bologna Editore, Bologna, pp. 36-65, 2012
- « Viajes de ultratumba: algunas etapas en la vida de la cerámica prehispánica », in Thule, revue italienne d'études amérindiennes, n° 30/31, avril-octobre 2010-2011, Carolina Orsini et Sofia Venturoli (eds.), Centro Studi Americanistici “Circolo Amerindiano” Onlus, Perugia, 2012, pp. 393-412, 2011
Communications scientifiques principales
Sept. 2019 : Journée d’étude « Faire collection », musée du quai Branly-Jacques Chirac, participation à la Table ronde « Réparer l’héritage ».
Avril 2019 : Al di là di sacro e profano : gli artefatti precolombiani dalla distruzione degli idoli al culto del patrimonio, Cours magistral à la Faculté d’Anthropologie et Ethnologie, cours d’anthropologie des religions, Università Bicocca, Milan (Italie).
Sept. 2018 : Savants locaux, pilleurs repentis: les pratiques et les usages de l’archéologie informelle au Pérou, in Atelier « Le terrain contre l’érudition ? Art de la fouille et ses savoir profanes », Congrès de la société française pour l’histoire des sciences de l’homme (SFHSH).
Jan. 2018 : Connexion impossible : Ce ne sont pas les « vrais » héritiers : appropriation du patrimoine et logiques d’appartenance, Journées d’études « Communautés patrimoniales, entre participation et appropriation », 17‐18 janvier 2018, LAHIC/IIAC-Musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée (MUCEM), Marseille.
Sept. 2014 : ¿A quién pertenecen los antepasados? Un estudio etnográfico sobre la apropiación del patrimonio cultural en la costa norte del Peru, XVII Congrès de l’association d’Historiens Latinoamericanistes Européens (AHILA), « Entre Espacios: La historia latinoamericana en el context global », Berlin, 9-13 septembre 2014.
Oct. 2013 : Présences intrusives : défis éthiques, méthodologiques et émotionnelles dans une recherche ethnographique sur l’archéotrafic au Pérou, Colloque international à l’Université Catholique de Louvain-la-Neuve (UCL), Belgique, « Going to and Coming from the Field : Ethical,
Emotional and practical challenges », 23-25 octobre 2013.
Sept. 2011 : Descubrimientos arqueológicos y reivindicaciones sociales: un análisis etnográfico en la costa norte del Peru, XVI Congreso de AHILA, symposium « Memorias históricas colectivas y nuevos actores sociales: procesos de exclusión e inclusión en las sociedades y luchas sociales iberoamericanas », 6-9 septembre 2011, San Fernando-Cadiz (Espagne).
Mots-Clés
art précolombien ; circulation ; collections ; régimes de valeurs ; altérité ; Pérou ; Espagne.