La poésie d'Ausiàs March est un univers poétique sombre. Écrite à la première personne, elle est habitée par un moi qui, tel un nouvel Adam, s'est révolté contre son Créateur en lui préférant sa dame et l'amour tout charnel qu'il lui porte. Par ce nouveau péché originel, le moi devient « amador » : son être en est profondément modifié, et il mérite le châtiment de ceux qui osent contre- venir à l'ordre divin. Déchu de son humanité, il se sait condamné. Pourtant, chez lui, dans un mouvement d'orgueil stupéfiant, le châtiment sera auto-dispensé et auto-imposé : l'être marchien sera exclu du monde des hommes et ne trouvera plus d'existence que par sa parole, douloureusement lucide et puissante, obsessionnelle et exclusive. La poésie marchienne se révèle ainsi comme le seul lieu d'existence possible pour un moi à l'orgueil hyperbolique, capable par son cri poétique de dresser à travers les siècles, pour l'éternité, son être d'« amador ».
Table des matières
Préface de Marie-Claire Zimmermann
L'ANTHROPOLOGIE MÉDIÉVALE : UN CADRE DE RÉFÉRENCE JAMAIS MIS EN CAUSE
Le schéma anthropologique de référence
L'homme en quête de Dieu
LA PERVERSION DU MODÈLE ANTHROPOLOGIQUE DE RÉFÉRENCE : L'AMADOR
La conception marchienne de l'amour
La nature de l’amour ressenti par le moi poétique
L'amador
LA TRAGÉDIE ONTOLOGIQUE DU MOI
L'« home escindit » : impuissance pratique et toute-puissance théorique
La fatalité intériorisée
La solitude du moi
CONCLUSION : LA SUBLIMATION POÉTIQUE DE LA SUPERBE DU MOI